Fondre les Pierres

La Montagne qui voulait rencontrer la Mer

Il était une fois une montagne de pierre, piquée par le froid, la glace, la neige, mordue par le soleil, le vent, la pluie, laissa glisser dans le torrent, ses enfants ; pierres de la montagne.
Les aventures des pierres de la montagne, suivant le court du torrent ne seront pas conté ici, mais

Sachez simplement que de pierres en galets et de galets en argile, cette terre qui a suivant la rivière à toujours chercher à rencontrer la mer.

Disposés en ligne parfaite, les galets se métamorphosent au four et restituent une ligne fracturée

Pierre, matière, poussière d’étoile, essence de la Terre

Fondre les pierres, c’est explorer la mémoire profonde de la céramique. L’argile, transformée par le feu, s’enrichit d’émaux que je crée à partir de minéraux glanés et fondus. Chaque fusion révèle une alchimie singulière : éclats de lumière, textures imprévues, couleurs nées du hasard. Cette recherche expérimentale prolonge une histoire millénaire tout en ouvrant un champ contemporain, où la matière brute devient langage et invitation à contempler l’essence même de la Terre.

Maillage1, exposition à la galerie Le Poirier qui Penche, 2022

Là où la recherche s’expose et devient création

Dans ma pratique de la céramique contemporaine, l’atelier est un lieu de recherche autant que de production. Les expérimentations menées sur les émaux, les minéraux et les matières en fusion quittent progressivement le stade de l’essai pour trouver une place dans l’espace d’exposition. Ce passage du laboratoire à la galerie transforme la recherche en œuvre céramique à part entière, où chaque pièce témoigne à la fois d’un processus, d’une mémoire de la matière et d’une esthétique en devenir.


Terre, pierre, coquillage : une recherche de matière vivante

Dans mon travail en céramique contemporaine, la matière est toujours le point de départ. Terre, pierre, coquillage : je glane ces fragments dans mon environnement, je les teste, les éprouve, les combine pour révéler leurs réactions, leurs fragilités et leurs forces. Chaque élément porte une mémoire géologique et culturelle qui s’inscrit dans l’histoire millénaire de la céramique.

Les coquillages broyés créent des textures imprévisibles, la pierre pilée enrichit la terre de ses minéraux, et chaque cuisson révèle des métamorphoses singulières. Ce travail de recherche fait dialoguer la nature et le feu, la matière brute et la forme sculptée.

Au-delà de l’expérimentation, cette démarche interroge notre rapport aux ressources naturelles. Utiliser ce que le paysage offre, détourner des fragments trouvés, transformer des matières locales en nouvelles terres : autant de gestes qui réinventent une céramique ancrée dans son époque tout en dialoguant avec l’archéologie et l’histoire de l’art.

Chaque pièce devient ainsi le témoin d’une quête de matière, à la fois mémoire et invention.


Pierres et feu : recherches autour de l’émail et des transformations de la matière

De la recherche académique à la recherche expérimentale

mon travail en céramique s’est orienté vers une exploration de l’émail comme champ d’invention. La céramique, matière fragile et puissante à la fois, est faite d’argile transformée par le feu. Traditionnellement, elle se recouvre d’un émail destiné à protéger et à magnifier la pièce. Mais pour trouver une écriture singulière, il ne suffit pas d’utiliser des recettes établies : il faut créer ses propres émaux, en partant de la fusion des minéraux et des pierres.

Ce geste — fondre les pierres —

devient alors un acte de recherche plastique et scientifique. Chaque test révèle de nouvelles textures, des éclats de lumière, des réactions inattendues entre oxydes et terres. L’expérimentation se fait œuvre à part entière : lors d’une exposition, j’ai conçu une installation qui mettait en scène ces essais, transformant le laboratoire en espace d’exposition.

Depuis, ce fil tendu entre la matière brute et son devenir ne cesse de nourrir mon travail. Les émaux expérimentaux ouvrent la voie à une céramique contemporaine qui questionne à la fois la tradition, la transformation des minéraux et l’histoire de la matière.


Quand les pierres deviennent sujets : métamorphoses par le feu

À partir des matériaux glanés – pierres, galets, cailloux – chaque fragment de matière devient une possibilité. Ces éléments, déjà façonnés par la géologie et transformés au cœur de la Terre, sont soumis à une nouvelle épreuve : le feu du four de potier. Dans ce processus, ils ne sont plus seulement une couverture, un engobe, un enfumage, un émail appliqué sur une céramique, mais le sujet même de l’œuvre. Ma collection de pierres devient ainsi un corpus sculptural, où chaque fusion raconte une métamorphose. L’expérience prolonge le geste archéologique tout en l’ancrant dans une démarche d’art contemporain, interrogeant la mémoire minérale, la fragilité des ressources naturelles et la capacité du feu à transformer, révéler et réinventer la matière terrestre.


« Fondre les pierres » – Résidence de création au Centre départemental des Fours à Chaux (2024)

Pierres et Feu

Dans ce projet, chaque matériau minéral est envisagé comme porteur d’un potentiel latent, prêt à se métamorphoser sous l’action du feu. La terre, née du magma et recomposée par les cycles géologiques, retrouve dans le four du potier une nouvelle vie. Je fais fondre les pierres et explore les réactions des minéraux pour révéler la forme intrinsèque suggérée par leur genèse. Chaque fusion devient expérimentation en céramique contemporaine, où mémoire de la matière, textures, lignes et couleurs dialoguent entre mémoire géologique et création artistique contemporaine.

Cycles et métamorphoses de la terre

À l’issue de ma résidence aux Fours à Chaux, mon regard sur la céramique contemporaine s’est approfondi : la matière y est devenue tout à la fois ressource, mémoire et sujet d’investigation. L’étude attentive des pierres – volcaniques, sédimentaires, métamorphiques – m’a invitée à réfléchir sur la transformation intrinsèque de la matière, sur sa capacité à se régénérer, à s’altérer, à se réinventer au fil du temps et des éléments.

Ainsi, en expérimentant la fusion et la recomposition, le façonnage et la métamorphose, j’engage un dialogue entre l’histoire géologique des pierres et la création contemporaine. Je m’inspire des grands cycles de transformation de la planète : compression, lenteur du temps, réactions profondes et métamorphoses successives deviennent sources d’exploration plastique et de questionnement artistique.
Chaque pièce, issue de ce processus, porte la trace de ce cheminement : elle conjugue recherche sur la matière, investigation céramique et poésie des origines, offrant à voir des textures, des lignes et des couleurs qui font écho à la mémoire des pierres et à leur perpétuelle évolution.


Ligne

Exposition à la Galerie Bouillons Kub, septembre 2025

Chronique de la Matière – Collection expérimentale de Dorodango

De cette réflexion sur la matière comme ressource vivante est née l’installation « Ligne » : un alignement de Dorodango, boules de terre crue et brillante façonnées selon une technique japonaise. Chaque sphère, véritable bijou de matière, concentre en elle la mémoire des territoires : les terres sont glanées, récoltées ou recueillies, puis transformées lentement dans un geste méditatif qui respecte la diversité des sols et magnifie leurs couleurs naturelles.

Cette collection interroge le temps, la compression et la transformation : chaque Dorodango devient le témoin des cycles géologiques, de l’histoire secrète de la planète, et invite à percevoir la céramique contemporaine comme une pratique d’investigation sur la matière première. À travers ces formes épurées et brillantes, je propose une exploration sensible, poétique et scientifique du lien entre création, territoire et transformation .