Cécile Vazeille au centre d’art Bouillons Kub
De la résidence à la forme : une recherche en terre crue
Un lieu, une matière, une expérimentation
Cette œuvre est née d’un temps d’expérimentation offert par ma résidence au Centre départemental de création des fours à chaux, à Regnéville-sur-mer (Manche).
Là, dans un site où la pierre fut brûlée, transformée, exploitée, j’ai choisi de revenir en amont du feu, à la matière dans son état le plus brut, le plus vivant : la terre crue.

Suspendre le feu, retrouver la fragilité
Céramiste, je suis familière du feu, de la cuisson, du façonnage vers la durabilité.
Mais ici, j’ai suspendu ce processus pour entrer dans une autre temporalité – plus lente, plus fragile – où la forme n’est pas figée mais maintenue dans un équilibre précaire.
Cette recherche m’a menée à explorer non seulement la matière terre, mais les terres – au pluriel – dans leur diversité d’origines, de couleurs, de textures et de comportements.

Les terres en dialogue : diversité, résistance, vibration
Chacune de ces terres m’a offert une résistance, une vibration différente.
C’est avec elles que j’ai façonné ces sphères presque parfaites, qui ne relèvent pas d’une quête de géométrie pure, mais d’un désir d’harmonie et de concentration du geste.
Sphères de terre, échos à la planète Terre elle-même – sphérique, plurielle, généreuse et en perpétuelle transformation.

Cercle et ligne : tension et continuité
Dans cette œuvre, le cercle et la ligne se répondent.
Le cercle : forme pleine, continue, figure du cycle, du retour, du mouvement perpétuel de la matière. Cercle du monde, du tour de potier, du temps, de la mémoire.
La ligne : celle des strates géologiques, des couches de temps, des fractures silencieuses. Ligne de tension, de faille, de filon. Ligne directrice aussi – souterraine, intuitive – qui traverse ma pratique et mes créations.
Le geste ancestral : une mémoire du corps
En répétant un geste ancestral japonais, je me relie à une mémoire ancienne et collective.
Ce geste consiste à modeler la sphère à la main, sans moule, sans feu, par simple friction, dans une concentration du corps.
Geste humble et patient, que je reprends et répète comme un rituel de terre : une manière d’habiter la matière dans le silence, la lenteur, la présence.


La forme éphémère : entre passage et présence
L’œuvre présentée ici ne cherche pas à durer.
Elle ne revendique ni monumentalité ni pérennité.
Elle témoigne d’un état, d’un passage, d’une alliance temporaire entre la matière et le geste.
Une forme vivante, ouverte, vulnérable, qui affirme – justement par sa fragilité – sa pleine existence.
Écouter la Terre : une mémoire active
Cette installation propose un regard sur la richesse silencieuse des ressources terrestres et sur leur circulation à travers le temps.
Elle invite à percevoir la Terre – à la fois matière et planète – non comme un simple matériau, mais comme une mémoire active, une énergie en mouvement, un corps à écouter, une force vivante en transformation continue.
Résonances de terre – création musicale de Blazer
Lors de l’exposition Ligne, le musicien Blazer a réalisé une performance sonore originale, issue d’un travail d’écoute et d’enregistrement dans l’atelier. À partir des sons de modelage, de frottement, de cuisson et de matière en mouvement, il a composé une création musicale expérimentale qui prolonge la recherche plastique de Cécile Vazeille. Cette performance fait dialoguer matière et vibration, terre et souffle, révélant la dimension sensible et rythmique du geste céramique.
La vidéo de la performance est disponible ci-dessous
Trois textes d’auteurs accompagnent ce travail et peuvent être téléchargés pour approfondir la réflexion :
- Texte de Christine Février | Télécharger PDF
- Texte de Guillaume Valériaud | Télécharger PDF
- Texte de Alexandre Daull | Télécharger PDF

De la matière à la rencontre : une recherche sur les terres et les transformations
Entre terre crue, émaux et enfumages – une exploration de la matière vivante
Ma pratique se construit dans une recherche de matière et de rencontre, à la croisée de la chimie des émaux, de la géologie et du geste. Chaque création naît d’une observation sensible de la terre – sa composition, ses réactions, sa mémoire. Dans l’atelier, j’expérimente la transformation des argiles naturelles, les contrastes entre terre crue et terre cuite, les effets d’enfumage et d’oxydation qui révèlent la profondeur du minéral.
Cette exploration m’a menée vers une approche plus lente et intuitive, où la matière devient partenaire : elle résiste, se fissure, dialogue, surprend. L’émail n’y est plus seulement surface mais matière de rencontre, une peau qui s’invente dans la fusion, la tension et parfois l’accident.
Dans la continuité de cette recherche, la résidence menée aux Fours à Chaux de Regnéville-sur-Mer a ouvert un nouveau champ d’expérimentation : revenir avant le feu, à la terre crue comme matière vivante et fragile, dans sa forme la plus nue. Cette expérience a donné naissance à l’exposition « Ligne », une installation où le geste céramique se fait trace, où le cercle et la ligne explorent la mémoire du sol et la temporalité du monde minéral.
Mon travail poursuit cette quête d’équilibre entre maîtrise et lâcher-prise, entre recherche contemporaine en céramique, dialogue avec la terre et poétique de la transformation.



